Le secrèt de la Madeleine
Chapitre 1 - Où est Régis ?
Élise nen finissait pas darriver. La pluie, dès
le départ, lavait escortée de grandes averses diluviennes
écrasant des paquets deau sur le pare-brise. Puis, le vent sétait
mis de la partie. Crispée au volant, elle fixait la route à
en avoir les yeux douloureux, attentive aux blocs de rochers quelle
ne voyait quen arrivant dessus.
Au col de Valferrière, qui est plus froid que nul autre lieu, elle
avait affronté une véritable tourmente où neige et grêle
se mêlaient bizarrement. En un clin dil, une couche épaisse,
semblable à du verre pilé, couvrit la route qui prit un aspect
sibérien... Et lon était à peine à la Toussaint.
Régis lui avait parlé avec enthousiasme de belles randonnées
dans les forêts rousses de mélèzes, où le pied,
sans enfoncer encore, faisait crisser la première neige, fragile et
fugace... Elle reprit courage et accéléra. Elle était
seule sur cette route de montagne, par cette nuit démoniaque où
lon naurait pas mis un chien dehors.
« Pourvu que je ne crève pas !»
Avec un frisson, elle chassa résolument cette idée et se mit
à penser à son cousin, Régis, quelle avait retrouvé
aux dernières vacances, quelle avait aidé avec ardeur
aux travaux des foins, avec qui elle avait partagé la vie rude des
montagnards.
Elle avait pu découvrir de quels soins vigilants et expérimentés,
Raymond et Rose Michel entouraient leurs moutons et aussi combien Régis
se montrait attaché à cette vie pourtant si astreignante.
Maintenant que les moutons avaient assurément regagné létable,
elle se promettait de participer aux soins quotidiens qui se déroulaient
pendant le rude hiver, à la Bastide haute.
La 2 CV fit une embardée dans une flaque deau qui masquait un
trou. Elle se retrouva en pleine gauche. Élise redressa en remerciant
le ciel dêtre le seul usager de la route et aussi, davoir
épargné son pneu.
Il ne lui restait guère que deux ou trois kilomètres à
parcourir.
Ce serait trop absurde que de devoir les couvrir à pied !
Bientôt elle amorça le dernier grand virage qui lui permit dapercevoir
les lumières clignotantes du village, à travers le rideau de
pluie.
Limage de Régis, si gai, si réfléchi, lui tenait
compagnie. Elle venait pour le voir, pour apprendre la montagne avec lui.
Tous deux étaient de la même race solide pour qui la réalité
quotidienne au lieu de devenir grisaille, se fait au contraire, source de
découverte et de joie.
La grandrue était déserte avec sa fontaine pleurante boudant
dans son recoin. Le minuscule magasin de sports avait fermé ses volets.
Les ouvrait-il seulement en automne ?
Les villageois, dans les saisons intermédiaires, retrouvaient leur
rythme naturel, puisquils nétaient plus alors talonnés
par les skieurs ou les vacanciers, si exigeants, toujours pressés.
Le calme, le silence reprenaient leurs droits, avec les veillées entre
voisins, la compagnie des bêtes, la corvée de bois, la chasse
aussi...
Élise gara la voiture tout contre le portail qui donnait accès
au jardin minuscule, tout baigné dune eau excédentaire,
et où un banc de pierre espérait les moments précieux
où Raymond et Rose Michel trouvaient le temps de sy asseoir.
Elle cogna et poussa la porte qui nétait point fermée.