Faire sien un pays
Le mimosa et le bauhinia
Jules Abecassis 1er prix
Je suis français mais je ne connais pas la France. Voilà ce que je ne cessais de me dire depuis que ma mère avait annoncé notre départ. Javais toujours habité Hong Kong. Cest là que mes parents sétaient rencontrés. Ma mère, étudiante française en Chinois, était tout de suite tombée amoureuse de mon père, son professeur de calligraphie. Au salon, trônait toujours limmense calligraphie ornée de cygnes sauvages peints à la gouache que mon père lui avait offerte pour la demander en mariage.
Il était mort dans un accident de moto trois mois plus tôt. Ma mère sanglotait tous les jours pendant des heures devant sa peinture. Elle répétait quelle ne pouvait plus vivre à Hong Kong. Elle y avait trop de souvenirs. Elle voulait retrouver ses racines à Nice où elle était née, même si cette terre lui avait ensuite pris ses parents à lâge de quinze ans. Je narrivais pas à la comprendre. Ah Mah, ma grand-mère paternelle, était bien vivante, elle. Je la voyais tous les jours depuis ma plus tendre enfance. Mais je dus la quitter. Je lui confiai Song Lin, mon canari. Lorsque lavion décolla, jéprouvai une douleur vive, comme si quelque chose au fond de moi se déchirait.
Quand je sortis de laéroport à Nice, tout me semblait
différent, inconnu. Je frissonnai. Ma mère me dit doucement :
- Tu verras, la France est aussi ton pays. Tu te sentiras vite comme un poisson
dans leau. Et puis, tu te feras des nouveaux copains à lécole.
Quoi, aller à lécole française ! Jamais de
la vie ! Lair me manquait comme un poisson hors de leau.
Lorsque je quittai pour la première fois notre petit appartement à
Nice et que jallai en ville avec ma mère, il faisait assez frais,
même si on était en juin. Je sentais une petite brise. Cela métonnait
en pleine ville car je ne connaissais que la chaleur étouffante de
Hong Kong. Quand nous sommes arrivés au marché du cours Saleya
pour acheter des fruits et des légumes, je ne reconnaissais pas les
odeurs du petit marché chinois près de chez moi : je ne
retrouvais plus les senteurs fortes des épices, mais des effluves étranges
qui métaient complètement inconnues. Tout était
si calme, il ny avait pas le brouhaha, les cris des poulets quon
égorge. Dailleurs, je métonnais de ne voir que des
volailles et des poissons morts sur les étals. Je pensais à
ma grand-mère qui nachetait que des animaux vivants pour quils
soient parfaitement frais !
Pendant mes vacances, je ne faisais pas grand chose : jallais à la plage, je regardais la télévision et jattendais nerveusement la rentrée des classes. Celle-ci arriva plus vite que je ne le pensais. Ce jour-là, devant mon nouveau collège, javais le ventre noué. Les élèves arrivaient en masse et je me retrouvais bientôt dans une foule compacte. Je me détendis peu à peu, jaimais me noyer dans la masse, comme à Hong Kong. La Directrice ouvrit les portes du collège. Le flot des élèves memporta et je vis peu à peu ma mère disparaître derrière moi.
à suivre